Menu Bubble Icon Check Horaires Twitter Envoyer Recherche Lecture Linkedin Téléphone Facebook Email Devis Fermer Logo Cerfrance Long Arrow Arrow Agence Mon compte Information Téléphone Icon Calendrier
Toutes les actualités

10 avril 2020 - Conseil fiscal & Juridique, Viticulture & Cognac

Renouvellement du vignoble et nouvelles plantations

installation-reprise-conseil-viticulteur-cognac

Enjeux juridiques et patrimoniaux

L’intensification du renouvellement du vignoble ces dernières années et les autorisations nouvelles qui sont accordées entraînent une raréfaction des terres disponibles et « plantables » qui peut devenir problématique sur certaines zones et sur un nombre croissant d’exploitations.

Cette raréfaction réduit le choix pour planter de nouvelles vignes, soit par anticipation soit issues de nouvelles autorisations. Dans ce cadre, outre des choix parfois limites en termes de qualité des sols et de sensibilité au gel, l’implantation peut amener dans certains cas à des complexités juridiques et patrimoniales.

Le cas des plantations sur sol d’autrui

Quand je suis exploitant individuel et que je plante sur des sols en propriété, ou quand je suis en société et que je plante sur des sols en propriété de la société, il n’y a pas de questions particulières car je respecte une cohérence juridique et patrimoniale entre le sol, la plante et l’autorisation de plantation.

Dans tous les autres cas, il convient de s’interroger sur les conséquences du choix du terrain pour planter.

Le cas des plantations par anticipation

La question à se poser est : est-ce que le propriétaire du sol où je vais planter est le même que celui où je devrais arracher ? Si ce n’est pas le cas, quelles en sont les conséquences. Par exemple, je plante sur des terres qui sont ma propriété (ou celle de ma société) et j’arrache sur le sol d’un propriétaire tiers qui m’avait mis ses vignes en fermage. Il convient
alors de demander une autorisation expresse au propriétaire qui pourrait, dans le cas contraire, demander une résiliation du bail.

Normalement, un état des lieux aurait dû être fait lors de la signature du bail, précisant ce qui était planté en vigne et l’état des plantations, mais ce n’est que rarement le cas. De plus, la résiliation du bail ne permettrait pas
au bailleur de replanter ses vignes, les autorisations n’étant délivrées qu’à l’exploitant.

Par ailleurs, le statut du fermage ne prévoit en matière d’indemnité pour dégradation du fonds par le fermier, qu’une indemnité de la dégradation physique de ce fonds (disparition des plants, piquets… ce qui doit ne représenter qu’une valeur faible voire nulle puisqu’il y avait nécessité de renouveler la plantation), et non de la perte de valeur patrimoniale du fonds liée à la disparition de la vigne.

Les baux antérieurs à 2016-2017 ne contenaient pas de clause spécifique en la matière,
cette question ne se posant pas.

Il faut aujourd’hui systématiquement :

  • réaliser les états des lieux d’entrée (intervention d’un expert foncier si enjeu important, ou contradictoire entre les parties) ;
  • inclure dans le bail, une obligation pour le fermier de restituer, en fin de bail, l’intégralité des vignes, plantées, qui lui avaient été consenties à l’origine du bail. On pourra s’interroger sur la prévision d’une indemnité complémentaire à l’indemnité légale prévue par le statut du fermage et vue précédemment, en cas de non respect par le fermier de cette obligation de restitution.

Autre exemple, des terres sont mises en location par des parents à la société familiale. Tant que ces terres restent la propriété des parents et ou en nue-propriété indivise* des enfants, il n’y a pas de souci. Le jour où les parents souhaitent partager entre les enfants, même en nue-propriété, se pose la question des vignes qui seront arrachées, et replantées
ailleurs par anticipation. Il peut être très compliqué de respecter l’état initial du partage que l’on a souhaité équitable. Bien souvent, l’ensemble de ces vignes étant regroupées dans un même bail qui a perduré, on n’y prête peu attention, mais des transferts de patrimoines peuvent ainsi se faire et au décès des parents, un héritier peut constater que la surface de vigne qui lui avait initialement été attribuée a fortement baissé. Quelles seront alors ses possibilités de recours ? Cela peut aboutir à un conflit familial que personne n’aura souhaité, mais que l’on aura provoqué plus par négligence que par volonté de nuire.

Il arrive ainsi qu’un fils arrache sur les terres de son père pour replanter sur les siennes. Dans ce cadre, il s’enrichit aux dépens de son père et plus grave, aux dépens de ses frères et soeurs éventuels. L’inverse est aussi possible !


Cela est aussi vrai entre associés : il faut s’astreindre à planter chez le propriétaire chez lequel on arrache, ou si cela n’est pas possible, de rééquilibrer dès que possible au cours des arrachages – replantations suivantes.

Pour les autorisations nouvelles

Que se passe-t-il si j’ai acquis des autorisations nouvelles et que les seules terres plantables sont des terres que j’exploite en fermage auprès d’un tiers ? Il est là aussi nécessaire d’obtenir une autorisation du propriétaire.

Il conviendra de préciser dans le bail, que l’accession à la propriété est différée, c’est-à-dire que le propriétaire ne devient propriétaire de la vigne (plantation et survaleur) qu’en fin de bail, ce qui laisse la possibilité au fermier d’arracher avant la fin du bail. Au contraire, si l’on arrache des vignes sur des terres en fermage et qu’on les replante sur
des terres en fermage auprès du même propriétaire, il conviendra de préciser dans le
bail que l’accession à la propriété du bailleur est immédiate.

Par ailleurs, il sera difficile à un père de donner des surfaces en terre à son fils exploitant alors que la parcelle est en vigne, même si c’est la société qui a planté avec ses autorisations nouvelles et à ses frais : le notaire constatera que la parcelle donnée est en vigne, CVI oblige.

Enfin, la plantation par la société, avec ses autorisations de plantation nouvelle, sur les terres d’un des associés est à bien réfléchir, pour équilibrer cet enrichissement patrimonial dans le temps et assurer l’équité entre les associés, sauf à planter sur des surfaces appartenant à la société.

Nous ne saurions que vous conseiller, et avant de réaliser la plantation, de proposer au propriétaire un avenant au bail précisant les conditions éventuelles d’indemnités à prévoir en fin de bail.

En conclusion

Les actes juridiques liés au foncier sont souvent complexes et coûteux (états des lieux dans les baux, droits de mutations et d’enregistrements, rédactions d’actes), ce qui fait que par soucis de simplicité ou d’économie, ils ne sont bien souvent pas établis comme ils le devraient. Cependant, les conséquences peuvent être importantes et parfois encore plus coûteuses. C’est pourquoi, il est préférable d’être rigoureux dans la gestion des plantations, de privilégier au maximum la cohérence juridique entre sol, plante et droit, et quand cela n’est pas possible, réaliser tous les actes nécessaires à la sécurisation de l’opération. Bien entendu, il est conseillé pour cela de se faire accompagner de son notaire ou de son conseiller juridique.

*Les parents ont conservé l’usufruit pour percevoir le fermage et ont donné la nue-propriété à leurs enfants sans pour cela faire un partage des biens.

Article rédigé par Patrice FRADET et Bruno BRAUD,
Directeur de territoire Cognac Saintonge et
Juriste Conseil à Cerfrance Poitou-Charentes